French musician Jean-Jacques Birgé invited 20 players to improvise with him in one-day sessions at his personal home studio. Most of the sessions are duos and trios. It’s about playing to meet each other, not the other way around as is often the case. The choice of a theme for each track was made very randomly, immediately before the performance began. All sessions were recorded and mixed by Jean-Jacques Birgé at Studio GRRR, France (2021-2023).

Jean-Jacques Birgé is a French independent musician, filmmaker, and multimedia artist. He is known for his experimental music, which often combines electronic and acoustic elements. He is also a pioneer in the use of multimedia and interactive composition. He is best known as the co-founder of the band Un Drame Musical Instantané (U.D.M.I.), which he formed in 1976 with Bernard Vitet and Francis Gorgé, a band that has released over 30 albums, and has toured extensively.

This album features duets and trios with : Sophie Agnel, Uriel Barthélémi, Hélène Breschand, Élise Caron, François Corneloup, Gilles Coronado, Philippe Deschepper, David Fenech, Fidel Fourneyron, Naïssam Jalal, Olivier Lété, Mathias Lévy, Violaine Lochu, Lionel Martin, Fanny Meteier, Basile Naudet, Csaba Palotaï, Tatiana Paris, Gwennaëlle Roulleau, Fabiana Striffler

Tracklisting :

01. Jean-Jacques Birgé + Naïssam Jalal + Mathias Lévy – Tout abus sera puni
Jean-Jacques Birgé – clavier, percussion
Naïssam Jalal – flûte
Mathias Lévy – violon

02. Jean-Jacques Birgé + Élise Caron + Fidel Fourneyron – Utilisez une vieille idée
Jean-Jacques Birgé – claviers
Élise Caron – voix
Fidel Fourneyron – trombone

03. Jean-Jacques Birgé + Lionel Martin – Nul ne le vit débarquer dans la nuit unanime
Lionel Martin – sax ténor
Jean-Jacques Birgé – claviers

04. Jean-Jacques Birgé + Basile Naudet + Gilles Coronado – Give the game away
Jean-Jacques Birgé – claviers
Basile Naudet – saxophone soprano
Gilles Coronado – guitare

05. Jean-Jacques Birgé + François Corneloup + Philippe Deschepper – Exotica
Jean-Jacques Birgé – claviers
François Corneloup – saxophone baryton
Philippe Deschepper – guitare

06. Jean-Jacques Birgé + Hélène Breschand + Uriel Barthélémi – Insurrection
Jean-Jacques BIRGÉ – inanga, kazoo
Hélène Breschand – harpe électrique, voix
Uriel Barthélémi – batterie, synthétiseur

07. Jean-Jacques Birgé + Gwennaëlle Roulleau – Kakushi toride no san akunin
Jean-Jacques Birgé – claviers, Cosmos, harmonica, guimbarde
Gwennaëlle Roulleau – caisse claire, effets

08. Jean-Jacques Birgé + Fabiana Striffler + Csaba Palotaï – Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti
Fabiana Striffler – violon
Csaba Palotaï – guitare, electronics
Jean-Jacques Birgé – pianos, cosmos

09. Jean-Jacques Birgé + Sophie Agnel + David Fenech – Don’t Break The Silence
Sophie Agnel – piano
Jean-Jacques Birgé – flûte, claviers, sifflement
David Fenech – guitare électrique

10. Jean-Jacques Birgé + Fanny Meteier + Olivier Lété – Un très court
Jean-Jacques Birgé – claviers
Fanny Meteier – tuba
Olivier Lété – basse électrique

11. Jean-Jacques Birgé + Violaine Lochu + Tatiana Paris – Moitié moite
Violaine Lochu – voix
Tatiana Paris – guitare électrique
Jean-Jacques Birgé – clavier, Enner, flûte

Artwork by M.C Gayffier

Après avoir présenté avec Pique-nique au labo 22 moments forts de ses rencontres d’improvisation de la décennie 2010-19 sous la forme d’un double CD, JJB n’a pas attendu cette fois-ci pour présenter la série du 9.3.2021 au 8.6.2023. Pique-nique au labo 3 (GRRR 2036, 09/23) propose une sélection choisie parmi les 11 rencontres avec 20 visiteurs au studio GRRR : Tout Abus Sera Puni avec la flûtiste syrienne Naïssam Jalal et le violoniste Mathias Lévy. Utilisez Une Vieille Idée avec la voix d’Élise Caron et le trombone de Fidel Fourneyron, connu par l’ONJ et Un Poco Loco sur Umlaut. Nul Ne Le Vit Débarquer Dans la Nuit Unanime avec Lionel Martin (d’Ukandanz) au saxophone ténor. Give The Game Away avec Gilles Coronado (qui a beaucoup joué avec Franck Vaillant et Louis Sclavis) à la guitare électrique, Basile Naudet au sax soprano. Exotica avec François Corneloup au sax baryton, Philippe Deschepper à la guitare électrique, tous deux avec l’expérience de Claude Tchamitchian et Henri Texier – Deschepper, né en 1949, est un des grands anciens, avec Sylvain Kassap, Yves Robert, Beñat Achiary. Insurrection avec Uriel Barthélémi à la batterie et au synthétiseur, aux côtés d’Hélène Breschand à la harpe électrique et son spectre aventureux de Ferrari, Niblock, Franck Vigroux ou Chansons Du Crépuscule avec Elliott Sharp. Kakushi Toride No San Akunin avec Gwennaëlle Roulleau à la batterie & aux effets. Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti avec Csaba Palotaï de Budapest à la guitare électrique, Fabiana Striffler (de l’Andromeda Mega Express Orchestra) comme surprise allemande au violon. Don’t Break The Silence avec David Fenech à la guitare électrique, Sophie Agnel au piano. Un Très Court avec Olivier Lété à la basse électrique, Fanny Méteier au tuba. Et Moitié moite avec Tatiana Paris à la guitare électrique, que Violaine Lochus appelle, croassant et déclamant comme une corneille. JJB est l’hôte de ceux qui sont couronnés de feuilles d’automne et de ceux qui n’ont pas encore de claviers, le magicien du son et des samples que l’on connaît, avec parfois encore des percussions, une flûte, un piano, un kazoo, un harmonica, une guimbarde, un sifflet. Pour un – son ! – fantastique jeu électro-acoustique-ambient, la musique contemporaine, se couvre sans complexe d’éclaboussures de classique, d’improvisation et d’electronica. Le clou, c’est que cela brille d’une espièglerie surréaliste et d’une sophistication pleine de bon sens, enfilées chronologiquement mais à la manière d’une suite de scènes quasi cinématographiques. En tout cas, cela ne me fait pas l’effet d’une simple compilation en mosaïque ou d’un train de marchandises plein de morceaux, mais plutôt, grâce aussi aux cinq guitares électriques, d’un paysage sonore, d’un jeu onirique qui s’intègre dans la tête du metteur en scène JJB, même si les joueurs ne savent pas comment leur apparition, en tant que scène cohérente, embellit un ensemble plus vaste.

Rigobert Dittmann, Bad Alchemy 121 (link)

Een evenwaardig vervolg op de dubbel-cd ‘Pique-Nique Au Labo 1-2’ uitgewerkt volgens hetzelfde principe: spelen om te ontmoeten en niet het omgekeerde oftewel improvisatie tot het extreme.
Het initiatief komt (opnieuw) van de Franse multi-instrumentalist Jean-Jacques Birgé die ditmaal kon rekenen op twintig uitvoerders om te figureren in dit muzikaal rollenspel. In tegenstelling tot het eerste deel, dat opnamen bij elkaar bracht gerealiseerd in een periode van bijna tien jaar, ging het hier allemaal veel sneller. Alles werd namelijk ingeblikt, afgewerkt en gereleased in twee jaar tijd.
Missie geslaagd in elk geval. In totaal zeventig minuten met de meest uiteenlopende combinaties, geluiden, effecten en atmosferische geluidscreaties. Een heus wonderland waar je van de ene verrassing in de andere tuimelt. Impressies à gogo verwezenlijkt volgens een systeem waarbij de betrokken musici thema’s kozen door blindelings kaarten te trekken. Een en ander mondde zo uit in een heel organische reeks van elf hoofdstukken. Natuurverwante geluiden vervullen soms een overwoekerende rol. Daarnaast wisselen spacy soundscapes af met trashy vocalen en sjamaanzang. Poëzie en punkattitude smelten naadloos samen in deze context.
In de bijgevoegde “inlay” staat mooi vermeld wie met wie speelt en welk het opgelegde onderwerp was. Enkele titels om een idee te geven van hoe surrealistisch het eraan toeging: ‘Tout abus sera puni’, ‘Nul ne le vit débarquer dans la nuit unanime’ en ‘Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti’.
Niet te missen aanrader voor liefhebbers van het genre. Instapmomenten ter introductie voor andere nieuwsgierige luisteraars: ‘Exotica’, ‘Insurrection’ en ‘Give The Game Away’.

Georges Tonla Briquet, Jazz Halo – September 2023 (link)

Avec Jean-Jacques Birgé, un train arrive toujours en gare de La Ciotat. Le deuxième volume des rendez-vous un peu énigmatiques du musicien déjà centenaire vient de paraître sous le titre de “Pique-nique au labo 3”. Les deux premiers chapitres se révélaient sous la forme d’un double album (GRRR 2031-32) où, en duo et en trio, l’inépuisable JJ Trouvetou conviait au studio GRRR, au Triton ou à la maison de la Radio, 28 musiciennes et musiciens pour un moment de joyeuse recherche (Pique-nique “et” labo) : Vincent Segal , Ravi Shardja, Antonin-Tri Hoang, Alexandra Grimal, Edward Perraud, Fanny Lasfargues, Jocelyn Mienniel, Ève Risser, Linda Edsjö, Birgitte Lyregaard, Julien Desprez, Médéric Collignon, Sophie Bernado, Pascal Contet, Amandine Casadamont, Samuel Ber, Sylvain Lemêtre, Sylvain Rifflet, Élise Dabrowski, Mathias Lévy, Hasse Poulsen, Wassim Halal, Christelle Séry, Jonathan Pontier, Karsten Hochapfel, Jean-François Vrod, Jean-Brice Godet et Nicholas Christenson. Dans ce deuxième mais troisième opus, même principe, mais en unité de lieu (le Studio GRRR comme une sorte de Moulinsart des Bijoux de la Castafiore ou bien de quelque demeure imaginée par Agatha Christie et filmée par Straub et Huillet), la distribution (une fois encore brillante) est à chaque fois renouvelée pour chacun de ces deux duos et neuf trios. À l’exception de Mathias Lévy, aucun des invités suivants n’avait joué dans la précédente mouture : Naïssam Jalal, Fidel Fourneyron, Lionel Martin, Gilles Coronado, Basile Naudet , François Corneloup, Philippe Deschepper, Uriel Barthélémi, Hélène Breschand, Gwennaëlle Roulleau, Fabiana Striffler, Csaba Palotaï, David Fenech, Sophie Agnel, Olivier Lété, Fanny Méteier, Tatiana Paris, Violaine Lochu. Les titres, souvent extraits d’œuvres littéraires, servent de partitions à tous ces drôles de drames instantanés, ces détours de passe passe, où les différents protagonistes échappent par le fait accompli à toute logique “partisane”(traduction musicale). Onze huit-clos en un pour sortir du temps dans la fusion des formes, celle des métamorphoses tourbillonnant jusqu’à mûrir un chant. Une sorte d’idée du destin.

Jean Rochard, nato blog – September 2023

Pique-nique au labo 3 is the third installment (the first two being released together as a double cd) in the musical laboratory of French composer and improviser, Jean-Jacques Birgé. The nature of the experiment is succinctly described as follows: “It is about playing to meet and not the other way around as is usual”, i.e. meeting to play.

These musical dialogues and trialogues capture the conversation as it arose in the gathering of the musicians. Because the initial meeting of musicians by definition lacks a history of rehearsal, one might be predisposed to think that the resulting music should be raw, tentative and susceptible to awkward silences. This supposition is only partially correct and then likely for the wrong reasons. At its best, this approach to the music seeks the raw and spontaneous reaction that arises in first meetings of individuals, as each gradually discovers the nature of the other. Any awkwardness is alleviated by the discipline of the improviser. In the words of French bassist, Joëlle Léandre, “A real improviser is someone who prepares for being unprepared. That’s exactly how it is, it’s so true. He’s ready for anything. Instants that are unique.”1 Jean-Jacques Birgé has indeed sought out real improvisers to make the most of his picnic in the lab.

We suppose that on this compilation of encounters, we are presented with curated fragments culled from larger conversations. We seem to be dropped into the middle of the discussions where the improvisers have already found topics of mutual interest and are fully engaged. The dissonant tinkering associated with much free improvisation is not the dominant mode in these pieces. To the contrary, we would be tempted to describe some of these tracks as including composed melodies except that we know it is the highest insult to the improviser to say, “Your collective improvisation sounds almost composed!” No such words shall pass our lips. We instead allude only to the practiced intuition of the performers who found the common language to express in real time their shared song.

We tend to let our imagination roam far from factual observations in reviews at the Poison Pie Publishing House. We like to put a positive spin on our lack of fidelity to the music by referencing the ideas of American trombonist and scholar, George Lewis, who said,

I feel that there is an essence of creativity that is a human birthright that doesn’t go away, and that we are all basically born with. It’s not just the province of a few super-people. I feel that when people are listening to music, they can do it because of the sense of empathy that allows them to respond to the creativity of other people by feeling their own creativity. In other words, those neurons start firing and those experiences, those bodily feelings, start to resonate with the creativity that’s coming from outside, because they’ve got it within them.2
When we hear this music, our neurons start firing in all kinds of directions, likely unintended by the original musicians. Based on the reassurances of George Lewis, we have convinced ourselves that it’s okay. As we listened to this music, we thought of large language models, such as ChatGPT. Currently, many individuals are having initial conversations with these manifestations of so-called artificial intelligence algorithms. We compared our own conversations with ChatGPT to the dialogues and trialogues on pique-nique au labo 3. We live in an era where some human beings are intently active in developing the capabilities of AI products to generate visual art and audio art based on combination and interpolation of plundered massive data sets. One day, we are told, the machines will surpass human ingenuity. We don’t know the truth of these prophecies and we are not especially inclined to dwell on them. However, we do have an intuition that the kind of music that appears in the experiments of the picnic in the lab shall be the last frontier to fall to the machines! We find comfort in the evidence generated through these laboratory picnics that the uniqueness of the intrinsically human response to meeting another human for the first time shall not be easily duplicated

Poison Pie, September 2023 (link)

La suite de «Pique-nique au labo 1/2», qui rassemblait des enregistrements échelonnés entre 2010 & 2019. Avec des partenaires nouveaux, sauf Mathias Lévy, récidiviste. Pour chaque plage Jean-Jacques Birgé rencontre un ou deux partenaires. À l’origine, avec chaque combinaison, il existait un album virtuel complet, accessible en mp3 sur le site drame.org. On les retrouve en suivant ce lien. Et une plage est extraite de chaque album virtuel pour peupler cette compilation. La thématique de chaque pièce était tirée au sort avant de jouer. Le florilège qui nous est offert présente tous les possibles (et l’impossible même) d’une improvisation ouverte. Le résultat est étonnant, parfois confondant, toujours libre. Une visite s’impose dans ce bestiaire des images sonores. Plongez, vous ne le regretterez pas !

Xavier Prévost – Les dernières nouvelles du jazz, October 2023 (link)

Activiste musical depuis une bonne cinquantaine d’années, Jean-Jacques Birgé cultive aussi l’art de l’hospitalité, en son laboratoire de Bagnolet, pour des pique-niques sonores. En général, deux invité.e.s, soit des rencontres musicales en trio (il y en a deux en duo). Chacun.e amène son instrument, l’hôte officiant principalement aux claviers, parfois à la flûte, au kazoo, ou à l’harmonica. De cette convivialité est née une série d’enregistrements, disponibles sur le site de JJB. Entre mars 2021 et juin 2023, il y eut ainsi près d’une douzaine d’enregistrements d’albums numériques. Avec principalement des musiciens français, ou vivant en France (la syrienne Naïssam Jalal, le hongrois Csaba Palotaï).

Quelques nouveaux venus, qui commencent à se faire un nom (telle la guitariste Tatiana Paris ou la vocaliste Violaine Lochu), quelques noms qui hantent les musiques créatives depuis bien des années (Philippe Deschepper, Hélène Breschand, Gilles Coronado, François Corneloup, Fidel Fourneyron, David Fenech) d’autres un peu moins médiatisés. En tout, une petite vingtaine de musiciens participent aux diverses agapes. L’idée de cette compilation, près de trois ans après un premier Pique-Nique au Labo (GRRR 2031/32), reprenant, chronologiquement, un titre de chacun de ces enregistrements, est de nous mettre l’eau à la bouche, bref, de nous donner un avant-goût de chacune des recettes qui nous sont proposées. Les ingrédients varient, leurs combinaisons peuvent surprendre, offrant diverses saveurs parfois jusque dans un même titre. Ainsi, après un goût légèrement acidulé, « Give the Game Away » (Basile Naudet au saxophone soprano, Gilles Coronado à la guitare électrique et Jean-Jacques Birgé aux claviers) révèle peu à peu des saveurs plus épicées, plus corsées. « Utilisez une vieille idée » (Élise Caron, Fidel Fourneyron et l’hôte) cultive davantage une forme d’amertume, dévoilant des fumets aigres-doux, ou encore « Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter Beaux-Arts avec un abruti », qui associe le jeu d’un violon champêtre et printanier (Fabianna Striffler) à un travail plus déstructuré des pianos et de la guitare (Csaba Palotaï), laissant apparaître quelques sons électroacoustiques me rappelant (c’est très personnel !) « Revolution 9 ».

Bref, ces agapes au studio du GRRR relèvent aussi, par la science de son chef, et en adoptant un autre vocabulaire, d’un singulier travail d’orfèvrerie, de créations de pièces uniques aux fines ciselures. Et l’aventure continue : trio avec la harpiste Rafaelle Rinaudo (qui officie dans un autre trio, Nout) et Hélène Duret à la clarinette (Le Songe de la raison, septembre 2023), trio avec Isabel Sörling et Maëlle Desbrosses (Listen to the Quiet Plattfisk, octobre 2023), to be continued…

Pierre DURR – Revue et corrigée 138
(link)

Le pique-nique au labo de Jean-Jacques Birgé, c’est l’occasion rêvée de revenir en un disque physique sur les rencontres compulsives du musicien avec d’autres artistes dans le cadre d’enregistrements mis en ligne sur son site internet. Nous nous en faisons souvent l’écho, et ce travail au long cours tient autant de l’indexation des idées et des envies du musicien que d’une cartographie fidèle des forces en présence dans la musique créative en France et de par le monde. À ce titre, Pique-Nique au Labo, troisième du nom, telle une douce fête des voisins, est comme un panorama pour juger de la cohérence de l’œuvre. Et donner l’envie d’aller plus loin, voire de remonter aux racines.

Lorsqu’on parle de musique inventive et joyeuse, d’improvisation où l’humour et la fantaisie ne sont pas bannies, il est d’usage d’y rencontrer Élise Caron ; le contraire nous aurait même chagriné. Dans Pique-Nique au Labo III, on la retrouve dans « Utiliser une vieille idée » que nous célébrions déjà dans une précédente chronique. Mais ce qui est intéressant dans ce genre d’album, ces profils de l’œuvre qui servent de rattrapage et donnent envie d’aller plus loin, comme des étudiants un peu perdus dans la profusion, c’est qu’ils permettent de se pencher sur les zones d’ombre : ainsi, la découverte de la vocaliste Violaine Lochu, aperçue il y a quelques années à Jazz à Luz, donne envie d’aller écouter le disque en entier : Moite est un album en trio avec la guitariste Tatiana Paris, une des musiciennes prometteuses du label Carton. L’électronique de Birgé ronronne dans les ondes de la guitare, la voix de Lochu est puissante, lourde, théâtrale… On est conquis tout de suite par l’intensité dramatique de « Moitié Moite », et on sera secoué davantage sur l’album par « Cédez à la pire de vos impulsions », tiré d’une des cartes des Obliques Stratégies de Brian Eno, un procédé que Jean-Jacques Birgé avait déjà utilisé dans Questions avec Élise Dabrowski et Mathias Levy.

Le pique-nique, c’est aussi la bouffe. C’est surtout la bouffe. Jean-Jacques Birgé peut improviser sur tout ce qui est musical ; et comme, pour lui, tout est musical comme pour d’autres tout est politique, il semble pertinent que les travaux du pique-nique regardent dans nos assiettes. C’est le sujet de « Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit, c’est discuter Beaux-Arts avec un abruti », une des pièces du trio qui réunit l’hôte avec Csaba Palotaï et la violoniste Fabiana Striffler. L’idée est de convoquer des plats et d’improviser dessus. Le violon nous emmène vite dans les méandres du Danube que les cordes de Palotaï connaissent par cœur. Le piano de Birgé est l’élément solide du plat, quand ses compagnons se chargent des épices ; sur l’album, on goûtera d’autres mets, comme un fabuleux mezze et, selon ses goûts personnels et son degré de passion pour une Europe Centrale omniprésente, on choisira le sucré « Màkostészta » et sa guitare bouillonnante ou l’ardent « Töltött paprika » où Birgé utilise l’un des instruments de la lutherie Vitet.

Puisqu’il est question de cuisine, on s’intéressera pour finir à Raves, le trio qui réunit autour de Jean-Jacques Birgé le bassiste Olivier Lété et la formidable tubiste Fanny Méteier dont on n’a pas fini de parler. Très en vue dans l’ONJ, et membre de notre Nouvelle Vague, Méteier est au cœur d’un travail assez sombre où les claviers de Birgé tracent au fusain des routes tortueuses dans une forêt sombre. L’instrumentarium y est pour beaucoup, tant les différentes inflexions sont subtiles. Comme d’autres précédentes rencontres au labo, c’est avec le jeu de cartes improvisationnel d’Eno que les directions sont pensées. « Un très court » est dans, ce Pique-Nique au Labo III, le plus récent enregistrement de ce panorama. Raves est le trente-neuvième rugissant de cette collection qui n’en finit pas de nous surprendre et de nous réjouir.

Franpi Barriaux – Citizen Jazz, Jan 2024 (link)

C’est curieux, il me semblait vous avoir présenté le double Cd composant les deux premiers volumes de cette trilogie, mais je ne retrouve pas sur le fil, ayant juste évoqué l’album sans plus. Pourtant ça m’avait vraiment bien plu, ce qui explique la présence de ce volume trois dans les rayons. Birgé ne vend pas cher ses productions, son truc c’est la musique, la diffusion et même la gratuité, le plus souvent à travers son bandcamp ou son site, une sorte d’idéaliste échappé des années soixante-dix, je suppose qu’il doit ressentir amèrement les basculements du monde…
C’est pourquoi Birgé est un trésor et une pépite. L’album est plein, bourré à fond de bonnes ziques gorgées d’impros. Des invités, vingt qui viennent participer au pique-nique et vous offrir ce bel album plein de rêves et de surprises. Je vous mets les plus connus pour que ça évoque de bons souvenirs musicaux chez vous, mais ici personne ne vaut plus qu’un autre. On pourrait citer François Corneloup, Gilles Coronado, David Fenech, Fidel Fourneyron, Naïssam Jalal, Olivier Lété ou Elise Caron et beaucoup de musiciennes et musiciens inconnus pour moi mais dont on fait la découverte à travers ce précieux album…
« Il s’agit de jouer pour se rencontrer et non le contraire comme il est d’usage », écrit Birgé sur le petit livret accompagnant, alors à l’impro on ajoute l’aléatoire, en tirant la thématique de la pièce jouée au hasard. A côté du titre de la pièce jouée figure le nom de l’album virtuel dont elle est extraite. On se rapproche de la démarche d’Eno et de John Zorn et sa série « Cobra ».
Ce n’est pas le genre d’album dont il est aisé d’isoler un extrait car tout fait sens, et le plus curieux, finalement, c’est l’homogénéité de l’album, rien ne devrait prédisposer à cela, pourtant il y a comme un fil secret qui réunit les pièces. Peut-être est-ce la présence de Jean-Jacques Birgé qui joue des claviers, percussions, harmonica, kazoo, guimbarde, flûte et autres instruments, qui fait le liant et par sa seule présence assure une identité à l’ensemble.
Il faut savoir que chaque pièce est individuellement un extrait d’une création plus large qui aurait le format d’un album, disponible gratuitement par ailleurs sur drame.org ou Bandcamp. Les musiciens sont le plus souvent réunis en formation de trois, ou plus rarement de deux. Je vous cite le titre de l’intéressante huitième pièce, car elle prête à sourire, « Manger avec quelqu’un qui n’a pas d’appétit c’est discuter beaux-arts avec un abruti » ne pas oublier que nous sommes dans le cadre d’un pique-nique…

Douglas (link)

Jean-Jacques Birgé cultive depuis si longtemps, sous toutes les formes, dans tous les arts, un iconoclasme qui a édifié une œuvre foisonnante, insaisissable, pénétrée de sa propre originalité. Ce troisième volume – les deux précédents étaient dans le même double disque –de son Pique-nique au labo illustre une facette de son travail qui pourrait se targuer sans peine d’être la plus belle à bien des égards : Birgé s’intéresse à ce(ux) qui l’entoure. Invitant à nouveau bien des artistes à venir enregistrer avec lui, il en ressort une collectivité passionnante, où Naïssam Jalal (par exemple) côtoie (à titre d’illustration) Violaine Lochu ou David Fenech, et c’est heureux. Le résultat, surtout, et très réussi, et cela est d’abord dû à l’accueil musical fait par l’hôte, dont l’éclectisme nécessaire dans ce format est servi avec une intelligence et une sensibilité constante.
Pierre Tenne (Jazz News, décembre 2023)